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Des paysans aux exploitants agricoles : cinq siècles de révolutions #2

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Après les deux guerres mondiales, en finir avec la famine

Au sortir de la seconde guerre mondiale, dans tous les pays de la future Union Européenne, la production agricole est insuffisante pour satisfaire une demande alimentaire croissante en qualité et en quantité. Dans une France hantée par le spectre de la famine, la deuxième révolution est portée par un programme politique très volontariste et s’étend avec une rapidité sans précédent dans l’histoire de l’agriculture.

Le traité de Rome de 1957 représente la volonté au niveau européen d’accompagner le développement de la production et de la productivité de l’agriculture. Les objectifs de la PAC – la Politique Agricole Commune – sont énoncés dans l’article 39 : accroître la productivité de l’agriculture, assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, stabiliser les marchés, garantir la sécurité des approvisionnements et assurer des prix raisonnables aux consommateurs. La transition s’opère au niveau de la modernisation des exploitations et de l’agrandissement des surfaces exploitées.

Profitant des progrès techniques réalisés pendant les deux guerres, cette deuxième révolution vient en prolongement de la première phase de mécanisation. Elle introduit plusieurs  éléments nouveaux : « la motorisation (moteurs à explosion ou électriques, tracteurs de plus en plus puissants), la grande mécanisation (machines de plus en plus complexes et performantes), la chimisation (engrais minéraux et produits de traitement).

Le modèle d’agriculture promu est celui d’une exploitation agricole insérée dans l’économie de marché mais dont le noyau dur reste la famille (la SMI:  surface minimale à l’installation est calculée comme celle devant permettre de faire vivre une famille). Cette transition se reflète notamment dans le mode d’attribution des terres : remembrement, encouragement des très petites exploitations à cesser leur activité… Les terres ainsi libérées vont aux agriculteurs moyens qui ont les capitaux et les compétences nécessaires pour accroitre leur productivité… La SAFER, société d’aménagement foncier et d’établissement rural est créée en 1960 pour organiser la redistribution des terres.

Un autre phénomène marquant, qui avait été amorcé dès le XIXe siècle avec le développement des transports longue distance est la spécialisation régionale. Marcel Mazoyer, dans son livre Histoire des Agricultures du Monde, explique : « L’étude des mécanismes de développement de la deuxième révolution agricole montre qu’il existe, dans chaque région, un système de production spécialisé plus performant que tous les autres. Ce système, qui dépend des conditions physiques et économiques de la région, est précisément celui que tendent à adopter la plupart des exploitations en développement de la région, ce qui conduit à une spécialisation régionale marquée. Mais il existe des régions dans lesquelles aucune spécialisation n’est économiquement viable ; celles-ci sont alors condamnées à la déprise agricole et à la friche. »

Grâce au développement des transports routiers qui permettent l’approvisionnement en biens de consommations et en biens de productions de toutes sortes, mêmes les exploitations les plus reculées sont libérées de la contrainte de la polyproduction, autrefois nécessaire à la fois pour subvenir aux besoins de la famille et pour assurer l’équilibre entre élevage et cultures.

Les campagnes françaises prennent une allure nouvelle : là où prédominaient auparavant les exploitations familiales paysannes, la deuxième révolution passe et transforme toutes les structures sociales et productives. Une progression qui ne se fait pas sans heurts, bien au contraire. En effet, parmi la multitude d’exploitations de petite taille qui existaient au début du XXème siècle, seule une infime minorité parvient à franchir les étapes du développement imposées par la 2ème révolution agricole. Les autres, les laissées pour compte de la modernisation,  se retrouvent en difficulté et sont amenées à disparaitre.

Les plus grandes, les mieux équipées, survivent. Les autres disparaissent, entrainant avec elle les derniers vestiges de la paysannerie traditionnelle. Ce que le sociologue Henri Mendras officialisera en 1967 dans son livre La fin des paysans. La première conséquence de cette restructuration est une nouvelle vague d’exode rural. Parallèlement, l’agriculture devient un secteur très fort et structuré, avec un partage de la gestion entre les pouvoirs publics et des organisations professionnelles fortes.

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Produire à l’intérieur de ses frontières pour assurer l’autosuffisance alimentaire de la nation française, tel a longtemps été le credo des politiques agricoles nationales. Face à un monde globalisé où les prix des denrées agricoles sont dictées par la bourse de Chicago, il est difficile de continuer à associer le métier d’agriculteur à « l’ordre immuable des champs ». Ce serait oublier les nombreuses métamorphoses qu’a connu le monde paysan… Et que ces métamorphoses résultaient avant tout de décisions politiques et d’une certaine idée de la France.

Écrit dans le cadre d’un cours du master 2 Environnement, Développement, Territoires et Sociétés (MNHN – AgroParisTech), ces billets représentent une tentative de mise en contexte de quelques faits marquants d’une étude que j’avais menée en 2011 sur le maraichage périurbain dans le cadre de mon stage de fin d’études d’ingénieur.

L’article dans son intégralité ici: http://fr.scribd.com/doc/122625945/Les-neuf-vies-des-paysans-francais

 


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